À Quimper, le Trois apporte des réponses aux ados en galère Jan20

À Quimper, le Trois apporte des réponses aux ados en galère

Redonner du sens et de l’envie à des enfants qui ont décroché à l’école, en valorisant leurs compétences mais aussi en posant un cadre. Bienvenue au Trois, centre d’accueil de jour pas comme les autres géré par la Sauvegarde de l’enfance à Quimper.

« Tu as fait ton réglage par-dessous ? », interroge calmement Laurent Drogoul, éducateur responsable de l’atelier bois. Lundi 16 janvier, il est 8 h 15 au Tremplin de remobilisation pour une orientation et initiation aux savoirs (Trois), à Quimper. Kadir, 15 ans, ne dit rien, pose le marteau. Muni de cet outil, il s’apprête à enfoncer une pointe fixant la cloison centrale du meuble sur lequel il travaille depuis plusieurs jours avec rigueur, goût et assiduité.

L’adolescent repositionne en un geste vif et précis la cloison dans les marques tracées au crayon. Esquisse un sourire en regardant l’adulte qui l’accompagne et lui apprend. Cette fois, la pointe va y avoir droit.

Susciter l’intérêt

Ce matin-là, la mécanique humaine qui se joue tous les jours de la semaine dans le très discret hangar du Trois s’est doucement mise en route. « Kadir a besoin d’un meuble de rangement et pour poser sa télé dans son appartement. Alors, il bosse sur ce projet personnel », explique l’éducateur spécialiste du bois. « Il vient dans notre centre d’accueil de jour depuis longtemps. Petite boîte en bois, planche à pain… Jusqu’à la demi-coque de bateau et la table de chevet : il a réalisé tous les objets à travers lesquels j’initie progressivement ces ados à la menuiserie ».

Ils sont seulement deux dans l’atelier, lundi matin. Pas un problème : le maître-mot ici, c’est l’adaptation. Aux emplois du temps des ados engagés dans d’autres dispositifs ou contraintes. Mais aussi à leur humeur, camouflant souvent un besoin ou une difficulté. L’important, c’est le lien établi. Et le sens que l’équipe peut alors entreprendre de rebâtir pour, petit à petit, redessiner un chemin.

Tu as oublié ta carte de bus ? Ça serait bien que tu sois avec nous ce matin. Je t’ai compté dans l’atelier. Tant pis pour toi, finis à pied ! Allez viens, on t’attend.

Ce matin-là, un troisième ado était attendu. « Comment ça, tu as oublié ta carte de bus ? Non non ! Ça serait bien que tu sois avec nous ce matin. Je t’ai compté dans l’atelier, affirme Laurent au téléphone. Tant pis pour toi, finis à pied ! Allez viens, on t’attend. Bah oui tu es mouillé, mais on va te trouver du change à ton arrivée le temps de sécher tes vêtements ». Pour répondre au téléphone, l’éducateur s’est écarté de l’établi où Mayline sculpte une rose de vents. Et il ne lâche pas l’affaire, dans un savant mélange d’injonction et de bienveillance.

À lire sur le sujet : « Au Trois à Quimper, « nous cherchons à valoriser les compétences de jeunes en difficultés »

Forger un autre avenir

Changement de décors dans la pièce dans l’atelier « métal » piloté par Patrick Le Berre. Un seul ado y est en tenue de sécurité. « Ouais bah, c’est lundi. Ça démarre doucement… », commente l’éducateur sans se formaliser.

Sullyvan, 14 ans, est venu, lui, très tôt. Installé à l’arrière de l’atelier dans ce qui tient lieu de labo de peinture, il bombe de laque blanche la lampe de chevet qu’il vient de terminer. Un beau boulot pour quelqu’un qui n’avait jamais touché au travail du métal, soudure comprise. Le silence et le détachement apparent de l’ado tranchent avec sa détermination et son approche méthodique.

Pour son dernier jour au Trois, il est bien question d’aboutir l’objet de bonne facture. « Je crois que je vais l’offrir à ma mère, cette lampe », desserre-t-il les dents tandis que l’éducateur lance la petite forge calée au fond de l’atelier. Elle servira à chauffer et former des petites statuettes commandées par l’association Mémoires des esclavages. Sullyvan s’approche magnétisé par la chaleur que dégagent les flammes. « Je ne te conseille pas d’y faire un barbecue. C’est du charbon. Il dégage plein de produits toxiques en se consumant », sourit l’éducateur raccord avec les objectifs d’initiation.

Reconnexion à d’autres possibles

Au rayon casse-croûte, à deux pas de là, Jabel, 15 ans, rejoint Grégory Lebert, responsable de l’atelier jardin. Plus que ça en réalité, puisque ce matin, un coulis de tomates est réduit dans un grand fait-tout. Bien qu’il trouve que « ça pue grave », Jabel comprend que les tomates aujourd’hui dans la gamelle sont issues, après un séjour au congélateur, des semis cultivés et plantés il y a quelques mois.

Maraîchage, apiculture, élevage de ténébrions meuniers (espèce d’insecte coléoptère), ici l’objectif c’est de « se déconnecter du téléphone portable et se reconnecter avec autre chose, tout en apprenant avec le vivant. Des supports intéressants pour parler du vivant, mais aussi de nos rapports à la consommation », explique l’éducateur. « Ce que l’on peut faire avec les choses de la nature ».

Dispenser et écouter

La reconnexion, c’est le fil rouge que tisse également Marion Struillou. L’éducatrice scolaire spécialisée est installée dans une petite salle bien chauffée qui rappelle un peu une classe sans en restituer la traditionnelle opposition frontale. D’abord un lieu où les ados font le point sur leurs acquis scolaires.

« Nous travaillons sur les domaines qui vont leur servir dans leur projet d’apprentissage ». L’approche des savoirs se fait de façon ludique et empirique. Il est beaucoup question de faire. Mais de dire, aussi. Les émotions avec des mots, par exemple. Ainsi, Marion Struillou est-elle beaucoup à l’écoute.